Route du Rhum
Collisions et suprématies navales au beau milieu de l'Atlantique
C’est vers 6h00 UTC mardi que Sebastien Destremeau, naviguant en catégorie Rhum Mono a été percuté par l’IMOCA du Finlandais Ari Huusela à près de 550 milles à l’Ouest de l’Afrique du Nord, apprend-on auprès de la direction de cette course. Plus de peur que de mal pour les deux concurrents qui ont pu poursuivre leur route. Le Finlandais vers l’Ouest avec son balcon arrière arraché et le français vers le Sud, avec son bout-dehors endommagé.
En tête de la course, c’est Armel Tripon, Alex Thomson et Yoann Richomme, qui continuaient de survoler les débats, ne laissant que les miettes à leurs poursuivants en augmentant sans cesse leur avance !
Commençons par Armel sur son Multi5 50 Réauté Chocolat qui devrait arriver dans la nuit de jeudi à vendredi en Guadeloupe. Partisan d’une route Sud dès le départ de cette Route du Rhum, Armel est récompensé sportivement de ses choix de bons marins. En effet, au lieu d’aller « au front » dans les systèmes dépressionnaires qui ont balayé le golfe de Gascogne lors des premiers jours de course, il a choisi de plonger au Sud le long du Portugal pour fuir le mauvais temps, quitte à accuser un retard conséquent au début.
Mais il a probablement pu exploiter, sur cette option, tout le potentiel de son Multi50 quand ses autres concurrents souffraient et faisaient le dos rond sur une route proche de l’orthodromie dans des conditions à la limite de la survie. Certains ont même dû s’arrêter aux Açores pour réparer quelques bobos, quand d’autres se déroutaient vers le Portugal pour les mêmes raisons.
À deux jours de son arrivée, Armel est confortablement installé en leader et devrait, en toute logique, remporter la course dans sa catégorie. Même si évidemment il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, il faudrait quand même un mauvais coup du sort contre Armel !
Derrière lui, une superbe bagarre a lieu entre Erwan le Roux, Thibaut Vauchel-Camus, Lalou Roucayrol et Gilles Lamiré. Même s’ils n’étaient que 6 bateaux au départ de Saint-Malo, cette classe offre un beau match avec encore 100 % des partants en course, ce qui prouve le bien-fondé des orientations stratégiques qui ont été prises il y a quelque temps en « éjectant » de la classe les anciens bateaux et en ajoutant des foils. Les bateaux sont funs, vont vite, sont homogènes entre eux et offrent un superbe spectacle que ce soit lors de leurs Grand Prix en baie ou à travers l’Atlantique !
Normalement, l’onde tropicale (marquée "Tropical Wave" sur la carte d'analyse de mardi et visible sur l'image satellite par cette masse nuage sur l'arc antillais) doit s’évacuer vers l’Ouest et tout devrait rentrer dans l’ordre pour ne pas déranger les premiers Multi 50 et IMOCA d’ici 2 ou 3 jours…
Le sacre d’Alex Thomson en vue ?
Chez les IMOCA, le skipper d’Hugo Boss est également confortablement installé dans son siège de leader depuis le départ de Saint-Malo. À l’inverse d’Armel Tripon, le Gallois a choisi dès le départ une route offensive dans le mauvais temps, sans compromis. Fidèle à sa réputation qui lui a souvent joué des tours par le passé en cassant ses bateaux, Alex n’a pas molli mais cette fois-ci, c’est passé et ça a fait mal aux autres…
Il s’est même offert une pointe de vitesse à 38.5 nœuds il y a quelques jours !!! Le retrouver à cette place n’a rien d’étonnant : Alex et son bateau ont terminé deuxième du dernier Vendée Globe en réalisant plus de la moitié du parcours avec un foil cassé. C’est certainement le couple le plus au point sur cette Route du Rhum, entre un skipper ultra déterminé et toujours à l’attaque et un des bateaux les plus rapides.
Derrière Hugo Boss, on retrouve 3 bateaux qui se tirent la bourre depuis plusieurs jours et qui n’arrivent pas à se départager. On voit bien, aux trajectoires de la carto, que ça se marque beaucoup entre Paul Meilhat, Vincent Riou et Yann Eliès. Les empannages se font quasiment en simultanée ! Les 2 premiers Ultim nous ont offert un final à couper le souffle et il est fort probable que ces trois IMOCA en fassent de même, avec le tour de la Guadeloupe comme juge de paix. Il leur faudra garder du jus car le jeu de voiles est conséquent sur un IMOCA et les manœuvres risquent de s’enchaîner dans le dévent de la Soufrière qui culmine à plus de 1400m !
Pour le moment, l’ambiance doit plutôt être à s’appliquer à la conduite au portant VMG. Naviguer sous spi en « bourrinant » pour essayer d’avoir le meilleur angle de descente, ou alors naviguer sous Genak avec un angle un peu plus lofé mais un bateau plus facile et un peu plus en glisse ??? Le spi est une voile compliquée sur un IMOCA : fragile, difficile à manœuvrer dans sa chaussette, surtout lorsqu’il faut la descendre en catastrophe dans un grain, alors que le Genak s’enroule plus facilement et est un peu plus costaud en fabrication. Maintenant que les bateaux sont équipés de foils, un compromis plus haut en angle mais permettant au bateau de déjauger et donc d’accélérer fortement favorise l’utilisation du Genak, mais peut-on se passer complètement du spi ? La réponse sera peut-être connue à l’arrivée, à condition que les skippers dévoilent un peu leurs petits secrets…
Yoann Richomme intouchable ?
Incroyable Yoyo… Avec son Class 40, Yoann se bagarre pour la 6e place en IMOCA !!! On peut s’arrêter là pour décrire ce qu’est en train de réaliser le skipper de Veedol – AIC ! Son Lift 40 a montré qu’il était très à l’aise depuis le début de course au près et au reaching dans la brise. Cela va être intéressant de voir si c’est toujours le cas maintenant que la flotte navigue au portant VMG dans les Alizées. Derrière Yoann, ils sont 6 bateaux à se livrer une belle compétition faite d’empannages sous spi dans cet Alizée qui semble bien établi pour les prochains jours. Ils vont pouvoir souffler un peu car depuis le départ, ils n’ont pas été épargnés par le mauvais temps. Étant moins rapides que des IMOCA ou des Multi 50, ils ont subi une dépression de plus !